Dans un avis du 1er juillet 2020, le Conseil d’Etat a apporté un certain nombre de précisions dans le cadre d’un avis dont il était saisi s’agissant d’un ressortissant étranger qui contestait une décision préfectorale qui avait fixé un rendez-vous de dépôt de demande de titre de séjour qu’il l’estimait trop lointain ainsi que la décision préfectorale de refus d’avancer à bref délai la date de la convocation.

Plusieurs questions étaient posées au Conseil d’Etat : (i) quelle est la nature de la convocation à un rendez-vous en préfecture en vue de déposer une demande de titre de séjour ainsi que la décision refusant d’avancer ce rendez-vous : ces décisions peuvent elles faire l’objet d’un recours ? (ii) dans quel délais d’autorité administrative est elle tenue de convoquer un étranger pour le dépôt d’une demande de titre de séjour et (iii) en cas d’annulation d’une décision sur le délai de rendez-vous, quels sont les éléments que le juge doit prendre en compte s’il enjoint à l’administration de fixer une nouvelle date de rendez-vous ?

Le Conseil d’Etat commence par rappeler la procédure applicable et notamment :

  • tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire d’un visa de long séjour ou d’un titre de séjour (Art L. 311-1 du CESEDA) ; Par ailleurs, “La détention d’une attestation de demande de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour (…) autorise la présence de l’étranger en France sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour (…) » (Art L. 311-4)
  • Les articles R. 311-1 à R. 311-9 du CESDA organisent la procédure d’examen des demandes de titres de séjour : la demande de titre de séjour doit être déposée, soit en préfecture ou dans les lieux désignés par le préfet de département, soit par voie postale dans l’hypothèse où l’autorité administrative l’aurait autorisée pour des catégories de titre déterminées (Art R. 311-1). Elle est présentée par l’intéressé « dans les deux mois de son entrée en France (…) » ou, s’il séjournait déjà en France, dans des délais qu’il définit » (Art R. 311-2). « Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance (…) de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l’intéressé sur le territoire pour la durée qu’il précise. (…) ». (Art R. 311-4)
  • Le silence gardé par l’administration sur les demandes de titre de séjour vaut décision implicite de rejet.

Plus particulièrement, concernant les délais impartis pour recevoir un étranger en vue du dépôt d’une demande de titre de séjour, le Conseil d’Etat précise que :

  • Aucune disposition ni aucun principe ne fixe de délai dans lequel l’administration serait tenue de recevoir un étranger ayant demandé un rendez-vous en préfecture pour y déposer une demande de titre de séjour.
  • Toutefois, le Conseil d’Etat précise que « eu égard aux conséquences qu’a sur la situation de l’étranger, notamment sur son droit à se maintenir en France et, dans certains cas, à y travailler, la détention du récépissé qui lui est en principe remis après l’enregistrement de sa demande, et au droit qu’il a de voir sa situation examinée au regard des dispositions relatives au séjour des étrangers en France, il incombe à l’autorité administrative, après lui avoir fixé un rendez-vous, de le recevoir en préfecture et, si son dossier est complet, de procéder à l’enregistrement de sa demande dans un délai raisonnable. »

Une fois ces précisions apportées, le Conseil d’Etat précise quelles sont les décisions susceptibles de recours en cas de convocation de l’étranger à un rendez-vous :

  • La convocation de l’étranger à la préfecture « afin qu’il y dépose sa demande de titre de séjour, qui n’a d’autre objet que de fixer la date à laquelle il sera, en principe, procédé à l’enregistrement de sa demande dans le cadre de la procédure devant conduire à une décision sur son droit au séjour, ne constitue pas une décision faisant grief, susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. »
  • Si l’étranger souhaite que la date de convocation qui lui a été fixée soit avancée, il doit le demander à la Préfecture. Le Conseil d’Etat précise que « La décision par laquelle l’autorité administrative refuse de faire droit à une telle demande peut être déférée au juge de l’excès de pouvoir. S’il s’y croit fondé, l’intéressé peut assortir son recours en annulation d’une requête en suspension sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative. »
  • Le Conseil d’Etat précise que l’étranger peut également, le cas échéant introduire un référé mesure utile (Art L. 521-3 du CJA) s’il estime être «  dans une situation d’urgence immédiate ne lui permettant pas d’attendre une réponse de l’autorité administrative à la demande de rendez-vous rapproché qu’il a présenté ».

Enfin, s’agissant des pouvoirs du juge, le Conseil d’Etat précise :

  • le juge peut prescrire d’office en application de l’article L. 911-1 du CJA, pour l’autorité administrative de proposer une autre date de rendez-vous.
  • lorsqu’il est saisi de conclusions aux fins d’annulation du refus de l’autorité administrative d’avancer un rendez-vous en vue du dépôt d’une demande de titre de séjour, le juge de l’excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité d’un tel refus au regard des circonstances prévalant à la date de sa décision. Il lui appartient alors d’exercer un contrôle normal sur le respect du délai raisonnable, qui doit s’apprécier notamment en fonction de la durée et des conditions du séjour de l’étranger en France, de la date et du fondement de sa demande de titre de séjour et de sa situation personnelle et familiale.
  • en cas d’annulation et en fonction des éléments énoncés au point 10 mais aussi du nombre de demandes de rendez-vous en attente et des capacités de traitement de la préfecture concernée, il appartient au juge d’enjoindre au préfet de proposer à l’étranger, dans un délai qu’il fixe, une nouvelle date de rendez-vous. Si la situation de l’étranger le justifie, le juge peut préciser le délai maximal dans lequel ce rendez-vous doit avoir lieu. Il en va de même pour le juge des référés lorsqu’il prononce la suspension de l’exécution de la décision de refus sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

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