1. Rappel : comment le conjoint de français peut il acquérir la nationalité française ?

Le conjoint d’un ressortissant français peut acquérir la nationalité française par déclaration s’il rempli un certain nombre de conditions.

L’article 21-2 du code civil pose ainsi les conditions suivantes :

(i) Le conjoint peut acquérir la nationalité française après un délai de quatre ans à compter du mariage. Il faut préciser que ce délai est porté à cinq ans lorsque le conjoint étranger, au moment de la déclaration, « soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n’est pas en mesure d’apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l’étranger au registre des Français établis hors de France…»

(ii) Il faut qu’à la date de la déclaration la « communauté de vie tant affective que matérielle n’ait pas cessé entre les époux depuis le mariage ». En pratique, les époux signent une attestation vérifiée par l’administration et produisent des documents établissant la vie commune (contrat de bail, avis d’imposition, factures EDF…).

(iii) Lorsque le mariage a été célébré à l’étranger, il doit avoir fait l’objet d’une transcription préalable sur les registres de l’état civil français.

(iv) Le conjoint français doit avoir conservé sa nationalité.

(v) Enfin, le conjoint étranger doit « justifier d’une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française »

En pratique, si ces conditions sont remplies, le conjoint étranger doit faire une déclaration auprès du enregistrées par le ministre chargé des naturalisations (article 26-1 du code civil). La décision de refus d’enregistrement doit intervenir dans le délai d’un an au plus après la date à laquelle a été délivré au déclarant le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à la preuve de recevabilité de la déclaration (article 26-3 du code civil).

2. La faculté dont dispose le gouvernement ou le ministère public de contester l’acquisition de la nationalité

Opposition du gouvernement en cas « d’indignité ou défaut d’assimilation »

La loi permet au gouvernement de s’opposer à l’acquisition de la nationalité par le conjoint étranger dans le délai de deux ans. En effet, l’article 21-4 du code civil dispose que :

« Le Gouvernement peut s’opposer par décret en Conseil d’Etat, pour indignité ou défaut d’assimilation, autre que linguistique, à l’acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger dans un délai de deux ans à compter de la date du récépissé prévu au deuxième alinéa de l’article 26 ou, si l’enregistrement a été refusé, à compter du jour où la décision judiciaire admettant la régularité de la déclaration est passée en force de chose jugée…. »

Cet article précise que sont notamment constitutives de défaut d’assimilation : la situation effective de polygamie du conjoint étranger ou la condamnation prononcée à son encontre au titre de l’infraction définie à l’article 222-9 du code pénal (violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente) lorsque celle-ci a été commise sur un mineur de quinze ans.

Si le gouvernement use de cette possibilité d’opposition, l’intéressé est alors réputé n’avoir jamais acquis la nationalité française.

Pour rappel, le ministère public peut également contester l’acquisition de la nationalité « en cas de mensonge ou de fraude »

Cette faculté est prévue par l’article 26-4 du code civil :

« (…) Dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l’enregistrement peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites.

L’enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l’enregistrement de la déclaration prévue à l’article 21-2 constitue une présomption de fraude. »

3. Illustration

Un arrêt récent du Conseil d’Etat du 4 décembre 2017 (CE 4 décembre 2017, 2e et 7e chambre réunies) illustre la mise en œuvre de la faculté du gouvernement à s’opposer à l’acquisition de la nationalité française.

En l’espèce, une ressortissante algérienne avait épousé un français à Alger et avait par la suite souscrit une déclaration d’acquisition de la nationalité française à raison de ce mariage.

Le Premier ministre s’était opposé par décret à l’acquisition de la nationalité française au motif que cette ressortissante algérienne adoptait au quotidien « un mode de vie qui ne respectait pas les principes essentiels de la société française tels que l’égalité entre les hommes et les femmes » de sorte qu’elle ne pouvait être regardée comme assimilée à la communauté française.

Ce décret a fait l’objet d’une demande l’annulation pour excès de pouvoir.

Le Conseil d’Etat a toutefois rejeté le recours en relevant que :

« Considérant, en second lieu, qu’il ressort des pièces du dossier, en particulier du compte-rendu de l’entretien auquel il a été procédé par le consul général de France à Alger dans le cadre de l’instruction de la demande, que MmeB…, qui a toujours vécu en Algérie, a adopté un mode de vie incompatible avec les valeurs essentielles de la société française, en particulier l’égalité entre les hommes et les femmes… »

Le Conseil d’Etat en conclu :

« qu’ainsi le Premier ministre n’a pas fait une inexacte application des dispositions de l’article 21-4 du code civil en s’opposant, pour défaut d’assimilation, à ce qu’elle acquière la nationalité française ».

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